Covid : guide de survie...
pour la pause pipi
Avec la fermeture des bars et des restaurants, le retard d’équipement en toilettes publiques de Strasbourg se fait cruellement sentir lors des sorties en ville. Depuis
cette semaine, quelques accès supplémentaires rouvrent
sept jours sur sept, dans les parcs et place d’Austerlitz.

« Place d’Austerlitz, je bois ma petite bière avant de prendre mon bus », confie Jean-Louis Poure, retraité strasbourgeois de la Ganzau, qui aime flâner dans le quartier de la Krutenau et se rabat sur la vente à emporter en l’absence de terrasses. « Les bistrotiers ont interdiction d’ouvrir leurs toilettes. Les papas et les petits garçons, on sait comment faire. Mais si je suis avec ma femme ou avec ma petite-fille de 12 ans, je suis bien embêté pour elles. Place Kléber ou à l’Étoile, c’est ouvert, mais bonjour l’attente. »
La place d’Austerlitz
reprend du service
Depuis ce lundi, les WC publics de la place d’Austerlitz, fermés en 2014, ont repris du service pour répondre à la demande — celle de Jean-Louis et de tant d’autres, confrontés à l’insuffisance structurelle de l’offre strasbourgeoise en la matière (lire ci-dessous). Un besoin qui se fait d’autant plus sentir avec la crise sanitaire.
« On a tout fait propre », accueille Ikhlef, employé par un prestataire privé, avec un grand sourire, le matin du démarrage. Le panneau digital au-dessus de l’escalier annonce une ouverture jusqu’à 20 h, mais Mohamed Tayebi, l’agent public qui supervise l’ouverture, essaye de modifier l’affichage : « C’est réglé par une entreprise espagnole et on n’a pas accès à leur plateforme », soupire-t-il.




Voir également notre carte interactive en fin d'article
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Des alternatives
à la place Kléber
Les bons horaires, couvre-feu oblige, c’est 7 h-17 h 30, comme dans les six autres toilettes publiques classiques de Strasbourg. On les trouve place du Château, à l’intérieur du barrage Vauban, au débouché du Faubourg-National, sur le pont, et bien sûr place Kléber, de loin les mieux identifiées par les Strasbourgeois. Celles du quai Saint-Guillaume et du parc de l’Étoile ont quant à elles l’avantage de fonctionner 24h/24, avec quelques cabines à nettoyage automatique.
Au total, la ville dispose de 17 points accessibles gratuitement pour soulager un besoin pressant (voir notre carte). Dans ce décompte figurent aussi les toilettes des marchés de Neudorf et de la Marne, ouverts spécifiquement le mardi et le samedi en matinée.

Réouverture anticipée sept jours sur sept dans les parcs
Dans la foulée des sanitaires place d’Austerlitz, les services ont aussi décidé d’ouvrir ceux des parcs 7 J/7 au lieu d’en restreindre l’usage au mercredi et au week-end comme c’est d’habitude le cas jusqu’au 21 juin. Depuis lundi, aux Deux-Rives, à la Citadelle et à l’Orangerie (Bowling et Europe), c’est de 10 h à 17 h. Les sportifs, les promeneurs, les familles avec jeunes enfants apprécieront.
Quatre parkings bons plans
Aux 13 spots directement gérés par l’Eurométropole de Strasbourg s’ajoute le bon plan de quatre parkings qui ont passé des conventions avec la collectivité. Ils fonctionnent comme des WC publics, disponibles même sans voiture à garer : Parcus Broglie, de 7 h à 18 h, Parcus Austerlitz, de 11 h à 18 h (mais pas les dimanches et lundis), et deux services 24h/24 au Parcus Gutenberg et à l’Indigo Gare courte durée, sous la place de la gare.
En fauteuil, pas partout
Pour les personnes à mobilité réduite, l’offre rétrécit encore. Au pont National et place d’Austerlitz, pas de plan B aux escaliers. Place du Château, les agents des toilettes donnent accès à un sanitaire adapté dans la cour du 5. Place Kléber, un accord a été passé depuis 2015 avec le parking Indigo. Les personnes en fauteuil, béquilles ou avec poussette (et seulement elles) peuvent se présenter 24h/24 à la caméra et l’interphone du passage Sophie-Taeuber-Arp, dans la galerie de l’Aubette, et accéder par un ascenseur directement aux lieux d’aisance du garage. En attendant une amélioration de l’offre: une question de dignité et d’équité.


Un gros retard à rattraper
La collectivité le reconnaît : « On devrait créer une soixantaine de toilettes publiques pour répondre à la demande », estime Jean-Paul Prève, conseiller
en charge de ce sujet à l’Eurométropole de Strasbourg. « Il faut être honnête :
par rapport aux autres métropoles de taille équivalente, on est mal habillés. »

Un sanitaire pour 16 500 habitants
à Strasbourg
Avec un sanitaire pour 16 500 habitants (en comptant les quatre parkings intégrés au dispositif), Strasbourg se classe en queue de peloton des grandes villes françaises. Leur moyenne se situe à un équipement pour 5 300 personnes, d’après le rapport pour un droit d’accès aux toilettes publiques en France, publié par Henri Smets à l’Académie de l’eau en mai 2020. Les cités les plus égalitaires, Rennes et Grenoble, offrent un lieu d’aisance pour 2 400 habitants. Pour atteindre le même niveau de service à Strasbourg, il en faudrait 117, soit «juste» 100 de plus qu’actuellement!
« Une politique de déploiement était prévue et ne s’est pas faite », retrace Jean-Paul Prève, notamment à cause de l’objectif de réduction des effectifs de l’EMS, qui avait généré de la résistance en 2015 et un blocage sur les cabines autonettoyantes, peu déployées depuis.
« L’humain, c’est bien, mais si on veut du service H24, ça ne peut se faire que sur des automatiques », souligne-t-il.
L’EMS recrute
un chargé de mission
« Pour rattraper le retard, le travail de fond ne fait que commencer, mais ça ne va pas se faire en un jour », annonce Jean-Paul Prève. L’Eurométropole recrute en ce moment un chargé de mission pour développer l’offre, indigne d’une capitale touristique. « Quand on a un bus qui débarque une cinquantaine de personnes place Henri-Dunant, on a deux toilettes femmes et deux toilettes hommes au barrage Vauban. Vous imaginez le monde dans ce passage étroit ! »
Pour les futures implantations, il faudra jongler avec les impératifs des Bâtiments de France, mais aussi, estime l’élu, intégrer vraiment cet impératif qui n’a rien de trivial. Par exemple, arrêter de concevoir des parkings relais tram sans toilettes, ou pire, des parcs urbains démunis comme celui du Heyritz : « On aurait au moins pu y mettre des toilettes sèches !» Sensible également aux inégalités de genre que cela génère, le conseiller n’exclut pas de tester par exemple des urinoirs pour femmes. Il compte bien inscrire de nouveaux points sur la carte dès le prochain budget et lancer la dynamique pour plusieurs années. Quitte à ériger « des cabines provisoires pour l’urgence ».

30 agents
Aujourd’hui, il reste 30 agents à temps plein au service des toilettes publiques de Strasbourg, encadrement compris (et une vingtaine à l’accueil du public). La Ville fait appel à des prestataires privés pour compléter, notamment pour les WC dans les parcs, sur les marchés ou le week-end pour permettre aux agents de décrocher une fois sur deux. Ces travailleurs externalisés, issus « de l’économie sociale et solidaire », précise la cheffe du service propreté Géraldine Prudence, ont assuré 22 000 heures de service public en 2020, malgré l’activité réduite par les confinements
Finies les interruptions
pour désinfection
Depuis le début du mois, suite aux plaintes des usagers, l’Eurométropole
de Strasbourg a renoncé aux pauses d’une demi-heure en cours de journée
pour désinfecter les toilettes publiques, qui allongeaient les files d’attente.
Le nettoyage approfondi se fait désormais au fil du service, en fonction
de l’affluence.
« On a le sentiment que les toilettes sont beaucoup plus saturées parce que
le flux est plus visible : avant, les gens attendaient à l’intérieur », tempère Géraldine Prudence, cheffe du service propreté à l’EMS. Ses services estiment que le nombre de passages a diminué avec la crise. Sur l’année 2020 (en intégrant les deux confinements), la moyenne était de 1 764 usagers par jour, contre 6 868 l’année d’avant.
